20 avril 2020

Gérard Soularue - Business Angel

Portrait de Business Angel

Après un passé de Directeur Finance Trésorerie du groupe Danone ainsi que de Président de l’association des Trésoriers d’entreprise, Gérard est également membre de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Paris. Ayant toujours eu à cœur de valoriser et agir en faveur des initiatives entrepreneuriales, Gérard fait partie du réseau de Business Angels Investessor, et est mentor au sein de l’accélérateur WeRaiseStartup.

Business Angel : un oiseau rare qui ne demande qu’à prendre son envol

L’avènement d’Internet et du smartphone a bouleversé considérablement notre société, où les nouvelles technologies ont rapidement une place essentielle. Avec un univers des possibles décuplés, les idées innovantes et disruptives ont pullulé, accentuant un phénomène pourtant ancien : celui des startups. Si le mot de startup est désormais ancré dans le langage courant, notamment grâce aux nombreuses pépites révélées ces dernières années, les rouages derrière ces succès demeurent parfois obscurs pour le grand public. Gérard Soularue lève le voile sur l’un de ces mystères : le Business Angel.

BUSINESS ANGEL, MAIS QU’EST-CE-QUE C’EST ?

Si le rôle des Business Angels est bien connu et ancré dans la culture de l’investissement de l’autre côté de l’Atlantique, cela est tout à fait différent chez nous. Aux USA, il est courant d’envisager d’investir dans des sociétés, une fois les placements en épargne, livrets divers et immobilier réalisés. En France, le rôle du Business Angel est peu connu et peu valorisé. Gérard Soularue remarque : « Pourtant tout à fait respectable et essentiel pour notre économie, ce rôle mériterait d’attirer davantage de personnes en mesure de contribuer financièrement au développement de startups. L’investissement au titre de Business Angel pourrait devenir un type d’investissement à part entière, et naturel, dans la gestion de patrimoine. Peut-être le terme même de Business Angel n’est-il pas approprié ? Dans tous les cas, la demande et l’intérêt sont bien réels, comme peuvent en témoigner les réactions que j’ai eu lorsque je fais découvrir l’activité autour de moi. »

UNE PLACE INCONTOURNABLE

Dans le processus de développement d’une startup, les Business Angels entrent en scène à un moment très précis du développement du projet et jouent un rôle qu’aucun autre acteur du monde de la finance ne peut jouer. Alors que l’entrepreneur commence à voir ses premiers fonds s’épuiser (à savoir le « love money » provenant de l’entourage proche, famille et amis), il entame la dure quête de nouveaux fonds, quête qui va conduire à convaincre au-delà de son cercle proche. Alors que le projet en est encore à un stade très précoce, il s’avère impossible d’attirer et d’intéresser les structures classiques de financements que sont les banques ou les fonds d’investissement. En revanche, les Business Angels, eux, sont là et ils sont les seuls à accepter de prendre le risque de ces jeunes pousses.

Solliciter des Business Angels pour faire grandir son projet marque un moment important dans la vie d’une startup : « C’est le moment où l’entrepreneur fait entrer au capital de sa société de l’argent extérieur et par extension, des personnes extérieures à son projet avec qui il partage un point commun : ils croient tous dans le projet. »

SAVOIR ACCUEILLIR LES PROJETS

Il est tout à fait naturel que la majorité des Business Angels reste focalisée sur la valorisation de son patrimoine à travers la rentabilité de ses investissements, mais une minorité se questionne sur les solutions pour faire progresser les procédures et développer des méthodes qui soutiennent véritablement le travail des Business Angel. La façon dont les Business Angels accueillent les projets de startups est précisément l’un des points d’amélioration sur lequel Gérard insiste : « Nous manquons peut-être d’empathie. Les porteurs de projets font preuve de courage en se lançant dans une aventure entrepreneuriale compliquée au cours de laquelle ils vont rencontrer de nombreuses difficultés. Les Business Angels doivent avoir une vision très positive de cet engagement car, au final, ces entrepreneurs cherchent à faire avancer l’innovation en créant de la richesse et des emplois pour le plus grand bénéfice des Business Angels d’une part et aussi de l’ensemble de notre économie». Le rôle du Business Angel est d’aider l’entrepreneur à réussir. Au-delà du projet lui-même, la réussite passe également par la communication.

UN PROBLEME DE COMMUNICATION

« Je pense que beaucoup de projets échouent car, en dépit d’une bonne idée, le porteur de projet ne sait pas s’adresser à la communauté des Business Angels, et cela n’est pas si surprenant car il n’y est pas préparé. La réalité est qu’un entrepreneur dispose de 5 minutes pour présenter son projet devant des Business Angels. Au-delà de ce temps imparti, s’il n’a pas su convaincre, les Business Angels passent au projet suivant. Un Elevator Pitch est une expérience violente et, de ce fait, inadéquate ». Le risque est de laisser filer un « bon » projet : « S’il doit y avoir des obstacles à franchir, ce qui est normal dans la sélection des projets, nous devons faire attention à ce qu’ils soient, à l’avenir, mieux profilés que ceux que nous connaissons aujourd’hui».

Une fois qu’un projet a franchi cette première sélection si importante, le porteur n’est toutefois pas au bout de ses peines. Il doit à nouveau convaincre les investisseurs de la valeur de son projet au cours d’une rencontre de deux heures. L’enjeu de cet échange est d’« embarquer » les investisseurs avec lui, à bord de sa startup.

La difficulté, d’après Gérard Soularue, est que les deux parties ne savent pas suffisamment se parler. De son côté, le Business Angel a des attentes, alors que face à lui, l’entrepreneur a des envies, notamment celle d’expliquer son projet avec ses propres mots. « Il faut garder à l’esprit qu’un entrepreneur travaille 12 à 15h par jour sur son projet, il y pense constamment et quand il est devant les Business Angels, il en parle comme il le ferait devant ses collaborateurs, un fournisseur ou un client. Le fait est que les entrepreneurs ne sont pas préparés, en France, à s’adresser aux Business Angels. Or un startuper doit être en mesure d’expliquer clairement et simplement son projet, avec des termes usuels, et non le jargon technique, s’il veut convaincre des Business Angels d’investir dans son projet. Autrement, ses démarches sont vouées à l’échec. » Face à eux, les Business Angels n’ont pas forcément conscience des enjeux psychologiques de la relation qui se noue, notamment en termes de communication et de confiance.

SE PREPARER ET INSTAURER UNE RELATION DE CONFIANCE

Le rôle de mentor manque à l’activité de Business Angel. C’est pour répondre à ce besoin qu’au sein de l’accélérateur WeRaiseStartup, 14 Business Angels Investessor sélectionnent et accompagnent des projets très en amont d’une levée de fonds. Pendant 8 à 9 mois, les entrepreneurs sont briefés et préparés à affronter les Business Angels afin d’apprendre à les convaincre de la pertinence de leur idée, mais aussi leur donner l’envie de les suivre. « Actuellement, j’accompagne une startup dont le projet est bon et a tout de suite été perçu comme bon par notre Comité de Sélection. Nous nous réunissons tous les 15 jours dans le but de présenter la startup à des investisseurs dans quelques mois. Ces réunions sont l’occasion de parler aux entrepreneurs de l’activité de Business Angels et de cet univers de financeurs qu’ils connaissent mal. En l’occurrence, les porteurs de ce projet se montrent très réceptifs et demandeurs de conseils. Au cours de cette accélération, nous leur avons littéralement créé un pont vers le milieu des financeurs que sont les Business Angels ».

Lorsque ces startups sont prêtes, la société WeLikeStartup leur propose un accompagnement structuré et encadré tout au long de leur levée de fonds et jusqu’à la sortie du capital des Business Angels. Cette dernière étape dans la vie du Business Angel est sa raison d’être : il est tout à fait normal que l’objectif final d’un Business Angel soit de sortir du capital de la startup investie. C’est la seule condition pour espérer récupérer une plus-value sur son investissement et c’est avec cette plus-value et ces fonds récupérés que le Business Angel va pouvoir réinvestir dans d’autres projets. L’expérience montre que les Business Angels réinvestissent l’argent qu’ils ont récupéré lors de la sortie du capital de la startup. L’enjeu de la professionnalisation de l’activité de Business Angel est précisément de nourrir cette spirale positive favorable à l’économie générale des startups.