9 avril 2020

Michel Fabre Curtat - Business Angel

Portrait Business Angel

Ingénieur de formation, Michel a eu différents postes de direction d’opérations dans le secteur du pétrole avant de devenir directeur général de filiales de grands groupes. Il a réalisé son premier investissement en tant que Business Angel en 2011, avec Trianon Angel, qui a intégré Investessor par la suite.

VOTRE VISION

D’après vous, qu’est-ce qu’un Business Angel ?

Un Business Angel cherche avant tout à faire profiter de son expérience des porteurs de projets de startup. C’est le premier critère qui définit, pour moi, un Business Angel.

C’est toutefois aussi une personne qui a l’habitude de faire des placements financiers à risque et souhaite diversifier son portefeuille. En entrant au capital d’une startup lors d’une levée de fonds, l’objectif financier est double : d’une part apporter à la société les moyens financiers de son développement et d’autre part espérer faire une bonne plus value lors de la revente de la société. Mais cet aspect financier ne doit pas être le seul et unique critère. Le rôle d’un Business Angel est surtout de s’investir dans un projet entrepreneurial. Il y a une dimension relationnelle très forte, quasi familiale, contrairement à un investissement en bourse.

Quel(le)s sont vos motivations, vos attentes/objectifs ?

Je suis dans une démarche de partage d’expérience et de connaissances dans la gestion d’entreprise, en particulier dans les petites entreprises. J’ai toujours travaillé dans de grands groupes, mais en qualité de directeur de filiale ou de PME.

Mon objectif est également de me maintenir informé des évolutions économiques et technologiques de différents secteurs. En tant que retraité, c’est un excellent moyen de ne pas lâcher prise avec les tendances du marché, les différentes technologies et l’évolution de notre société.

Quel est le profil type d’un Business Angel, d’après vous ?

Un Business Angel doit aimer le challenge, être curieux et positivement critique dans son analyse, et avoir une certaine ouverture d’esprit, ne pas penser qu’il a toujours raison. Il est aussi préférable d’avoir des compétences multiples et diversifiées afin de comprendre les projets et d’appréhender les enjeux des startups.

Au sein d’un Comité Stratégique, la complémentarité des compétences est primordiale et l’avantage d’un réseau de Business Angels est précisément de permettre de cumuler différentes compétences.

VOS EXPERIENCES

Quels sont vos critères de sélection d’un projet ?

Mon premier critère est le positionnement du produit sur le marché par rapport à ses concurrents nationaux et internationaux. Le projet doit être innovant, apporter une solution nouvelle et originale à un besoin réel de ses clients ciblés et avoir une valeur commercialisable. Je m’intéresse aussi au potentiel de développement du projet et à son attractivité pour une revente à court/moyen terme.

Mon second critère concerne les porteurs et leur équipe : les entrepreneurs doivent montrer les qualités, les compétences et les capacités à mener à bien leur projet. L’idéal est une équipe de 2 ou 3 personnes, plutôt qu’un porteur seul. Ils doivent avoir des compétences complémentaires dont les trois principales sont: financières, marketing et humaines. Sur le plan humain, les entrepreneurs doivent en effet savoir gérer des équipes car l’objectif d’un projet en développement est aussi de recruter. Il y a également une dimension relationnelle, notamment vis-à-vis des Business Angels : les porteurs de projet doivent savoir accepter les critiques constructives, apprécier les remarques de leurs nouveaux partenaires financiers, se remettre en question. Ils doivent également accepter un salaire faible tant que le projet n’a pas atteint un rythme de croisière proche de l’équilibre.

Le troisième critère consiste à vérifier si la société dispose d’un produit finalisé. Je me méfie des projets, notamment technologiques, qui ne sont pas aboutis ou qui n’ont pas au moins fait l’objet d’un bêta-test. Ces projets requièrent du développement informatique ou technologique, ce qui implique en général du temps et des coûts supplémentaires très élevés.

Enfin, par expérience, j’évite maintenant d’investir dans des startups dont les clients potentiels sont essentiellement des grands groupes industriels ou de distribution ainsi que des entreprises publiques. Leurs procédures d’achat par appel d’offre éliminent quasi systématiquement les petites sociétés et donc les startups. Je pense que ce type de client ne peut être envisagé qu’au-delà d’un chiffre d’affaires relativement important.

Avez-vous des expériences d’investissement que vous souhaitez partager ?

J’ai eu de beaux succès d’investissement, notamment avec Voodoo, Trinnov ou Playme. En dépit de difficultés, telles qu’une restructuration d’équipe ou encore un mauvais ciblage du marché, plusieurs startups ont su éviter le pire. Dans le cas d’un mauvais positionnement marché, il est important de réagir vite, surtout si le marché visé évolue beaucoup. Le porteur doit alors se placer en véritable innovateur et réaliser un pivot marketing.

D’autre part, lorsque qu’une startup a du mal à décoller malgré un produit innovant répondant au besoin d’une certaine clientèle, il ne faut pas hésiter à rapidement chercher un rapprochement avec une autre entreprise ou un groupe, français ou étranger, qui pourra apporter ses moyens financiers et son réseau de vente pour assurer le développement. J’ai vu plusieurs succès dans ce sens et malheureusement quelques échecs dus au fait que la société n’a pas été assez réactive pour trouver rapidement le bon partenaire. Le Comité Stratégique a un rôle important à jouer à ce niveau.

Mes échecs sont souvent liés aux difficultés de management des équipes de direction. Je me rappelle un projet porté par des dirigeants qui communiquaient mal avec leurs investisseurs. La conséquence a été une perte inévitable de confiance qui a conduit à encore moins de communication jusqu’à ce que le projet échoue.

Le niveau de succès du développement d’un projet impacte beaucoup la qualité des relations entre entrepreneurs et Business Angels. Tant que tout va bien, que le business se développe et que la trésorerie est bonne, les relations sont bonnes. En revanche, dès que le projet se heurte à des difficultés, les relations peuvent vite en pâtir. Dans une telle situation, je pense qu’un Business Angel doit chercher à comprendre la situation et travailler, en pleine confiance, avec les porteurs de projets, pour trouver des solutions. Le Comité Stratégique ne doit pas adopter une attitude d’analyste financier pur et dur réclamant uniquement chiffres et bilans, mais être davantage dans le conseil, la confiance et l’échange notamment sur le plan marketing. Je reviens là sur l’importance de la diversité des compétences des investisseurs et de l’expérience en gestion d’entreprise. Il faut savoir garder son sang-froid, ne pas paniquer et se pencher sur le projet comme sur un malade.

En tant que Business Angel, il est essentiel de comprendre et d’accepter qu’une startup peut avoir des difficultés, surtout dans ses premières années. Il est alors du devoir du Business Angel de soutenir le projet, de conseiller les porteurs pour remettre l’entreprise sur les rails avant de renouveler sa participation, à l’occasion d’une nouvelle levée de fonds.

VOTRE BILAN

Quel bilan faites-vous de votre activité de Business Angel ?

Sur les 27 startups dans lesquelles j’ai investi, 4 ont été liquidées, 2 sont en cours de disparition et 5 ont été revendues avec un bon profit. Mon bilan financier global est largement positif et je suis relativement serein quant l’avenir des 16 sociétés restantes.

Le fait d’appartenir à un réseau d’investisseurs apporte de l’assurance et permet une meilleure analyse du potentiel des entreprises. Investessor a beaucoup évolué depuis mes débuts en Business Angel, et la structure WeLikeStartup apporte réellement un plus dans l’analyse, la sélection et le suivi des projets. Les réunions de closing sont très bien structurées avec une approche très professionnelle ce qui permet de couvrir tous les aspects d’une évaluation d’entreprise, avec une bonne méthode de travail. Le pacte d’actionnaires en particulier est maintenant standard et très pertinent, anticipant bien les conditions de sortie. Tout ceci, couplé à mes expériences antérieures, fait que je me sens plus sûr dans mes investissements aujourd’hui.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait devenir Business Angel ?

Pour être un bon Business Angel, il faut avoir envie de participer à des expériences entrepreneuriales, aimer les challenges, avoir des compétences et des capacités pour comprendre les problématiques de gestion d’une entreprise en développement et, évidemment, avoir les moyens financiers permettant de prendre des risques pour espérer réaliser des belles plus values.

L’activité demande également du temps disponible, surtout lorsqu’on participe à des Comités Stratégiques ou aux comités de sélection qui sont des fonctions passionnantes.