9 avril 2020

Marie - Laure Hauville - Business Angel

Portrait Business Angel

Diplômée de Sup de Co Rouen, Marie-Laure commence sa carrière au sein d’un groupe comme secrétaire générale puis directrice du développement dans les secteurs de l’industrie plastique et des agences de voyage. En charge du développement financier, elle gère les acquisitions. En 1990, elle lance sa propre entreprise dans le domaine du désinvestissement. Elle découvre le réseau Investessor en 2008 à l’occasion d’un échange impromptu avec l’un de ses voisins. Ce dernier l’informe d’une réunion organisée quelques jours plus tard, à laquelle elle assiste. Depuis, elle a investi dans 15 startups.

VOTRE VISION DU BUSINESS ANGEL

D’après vous, qu'est-ce qu'un Business Angel ?

Un Business Angel cherche à mettre le pied à l’étrier à des jeunes entrepreneurs qui ont un projet innovant. C’est une personne en activité, ou retraitée comme moi, qui a cumulé de l’expérience professionnelle et des moyens financiers. Elle est prête à investir à haut risque, mais pas de manière démesurée, pour contribuer au développement de l’économie et à la création d’emplois.

Plutôt business ou angel ?

Je suis plutôt angel parce que j’ai toujours essayé d’aider les jeunes entrepreneurs qui en valaient la peine. Je privilégie les projets que je comprends, les projets innovants qui m’enthousiasme. Mais avant tout, je choisis une équipe.

Quel est le profil d’un Business Angel ?

Un Business Angel doit être curieux, ouvert aux nouvelles technologies et aux autres. Il doit avoir envie de contribuer à une aventure.

Au sein d’Investessor, nous étudions les dossiers ensemble et les compétences sont ainsi mutualisées. Personnellement, je viens de la finance et j’ai beaucoup appris sur le terrain sur le marketing et la communication.

Il faut aussi avoir l’esprit entrepreneurial et savoir ce que c’est que de monter son entreprise. L’expérience du Business Angel joue beaucoup dans la qualité de l’accompagnement de la startup.

Un défaut ? Ce serait de vouloir faire une opération financière rentable. Le jeu est trop risqué.

VOS EXPERIENCES DE BUSINESS ANGEL

Racontez-nous une expérience d’investissement qui vous a marquée.

J’ai investi en 2009 dans la startup Fair (Ethical Wine & Spirit à l’époque). Cette startup propose des spiritueux haut de gamme et équitable. C’était ma première startup et, bien que je ne boive pas d’alcool, j’aimais bien l’équipe. J’ai vite sympathisé avec le fondateur, Alexandre Koiransky, qui est devenu comme un fils.

Pourtant, si c’était à refaire, je ne suis pas sûre que je suivrais le projet car au départ, j’ignorais tout de la constitution d’une marque. La startup est venue nous voir avec seulement une vodka. Il a fallu beaucoup de temps pour constituer une gamme. Alexandre, qui était en permanence en train de lever des fonds, qui économisait au maximum et assurait des missions de terrain faute de moyens pour avoir une équipe, a finalement constitué une équipe sensationnelle et a su rebondir à chaque fois que nous pensions que la boîte allait couler. Il a levé des fonds aux montants considérables, dans des circonstances parfois difficiles et s’en est toujours sorti. Il est littéralement porté par son projet et sait attirer les gens pour les y intéresser.

Quand je suis sortie du capital, j’ai vendu mes parts aux salariés, afin qu’ils deviennent des associés. Cette idée m’a beaucoup plu. A l’époque, je suis sortie en ayant doublé ma mise de départ. Je n’ai pas réinvesti depuis car les enjeux financiers sont devenus trop conséquents pour moi mais je conserve toujours une petite part du capital afin de poursuivre l’aventure.

Quelles sont la/les difficulté(s) que rencontre un Business Angel ?

Lorsque j’ai investi dans Madea, une société spécialisée dans le matériel de glisse, le projet m’intéressait mais je ne réalisais pas que c’était un projet d’industrie qui prendrait du temps. Les délais de maturation sont longs et il faut parfois des années pour concrétiser les idées.

Je n’étais pas au comité stratégique mais j’y ai été invitée quelques fois. L’une des difficultés a été de remanier le directoire : le comité stratégique s’est en effet aperçu qu’il devait surtout miser sur le directeur général, plutôt que le président. Les fonctions ont été interverties entre les deux co-fondateurs et les actionnaires ont suivis, en injectant de nouveaux fonds. C’est vraiment toujours une histoire d’hommes et de femmes.

Comme dans beaucoup des projets que j’ai accompagné, j’ai aussi réinvesti. Cela fait partie des responsabilités d’un Business Angel : quand la startup a besoin de plus de fonds, il faut être là.

En investissant, un Business Angel risque aussi de tout perdre. Cela vous est-il arrivé ?

J’ai eu plusieurs fois le cas de sociétés qui ont mis la clé sous la porte. Les raisons sont variées : les porteurs ne travaillent pas, ou reportent constamment la commercialisation de leur offre ; d’autres dilapident les fonds en se rémunérant. Je me rappelle deux projets très intéressants sur lesquels j’ai perdu l’intégralité de mon investissement, tout comme les autres Business Angels embarqués dans ces dossiers. Je m’étais laissée convaincre par les projets, et non les équipes.

VOTRE BILAN

Quel bilan faites-vous de vos expériences de Business Angel ?

Être Business Angel est une expérience très enrichissante. D’un côté, nous côtoyons des jeunes très diplômés et compétents, motivants, prêts à risquer une carrière confortable.

De l’autre, les Business Angels ont des compétences dans des domaines très diversifiés et travailler ensemble est une formation permanente. J’apprends continuellement sur les nouvelles technologies mais aussi sur les nouvelles façons de concevoir une entreprise. J’apprends aussi énormément dans des domaines que je ne maitrise pas, ce qui me permet de continuer à discuter avec les jeunes sur des sujets qui les intéressent.

Du point de vue financier, je suis actuellement à zéro. Ce que je recherche, c’est surtout à contribuer à aider des jeunes entrepreneurs à construire leur entreprise sans que je perde de l’argent. Mon objectif est de participer à faire vivre une société.

Et quel bilan par rapport à Investessor ?

Le réseau s’est beaucoup professionnalisé, structuré et l’environnement est bien meilleur, les closings sont plus rapides et bien encadrés. Cela n’a plus rien à voir avec l’association que j’ai intégrée il y a 10 ans.

Quelles sont les 5 recommandations que vous feriez à quelqu’un qui voudrait devenir Business Angel?

  • Avoir conscience qu’il y a un risque de perdre son argent investi
  • Faire partie d’un réseau (notamment pour s’appuyer sur les compétences des autres Business Angels)
  • Diversifier son portefeuille
  • Privilégier l’équipe
  • Investir dans un projet qu’il comprend