13 février 2020

Aux prémices de la Food Tech

Retour sur le projet Citycake avec André Auriau

 

« L’idée était belle,

mais nous n’avons pas perçu l’importance de maitriser parfaitement la logistique ».

 

Projet visionnaire, Citycake avait anticipé un phénomène dont le succès ne fait plus de doute aujourd’hui, celui de la livraison à domicile. Créée en 2012, la startup avait pour vocation de devenir la 1e pâtisserie de France, en proposant une plateforme mettant en relation les meilleurs pâtissiers français et les consommateurs, avec une promesse : se faire livrer en 2h en région parisienne.

 

Une belle idée

Lorsque le projet Citycake est soumis au réseau de Business AngelsInvestessor au printemps 2013, André Auriau en pressent tout de suite le potentiel : « J’ai demandé à instruire le dossier, que j’ai ensuite approuvé pour être présenté aux investisseurs ». Menée par des porteurs déterminés, Benjamin Chemla et Ralph Guyot Jeannin, la startup réalise sa première levée de fonds quelques mois seulement plus tard : « Le 4 juin, Citycake levait 200.000 €. Nous étions plusieurs Business Angels Investessor, accompagnés de Femmes Business Angels ainsi que de quelques investisseurs indépendants ».

André se souvient des points forts de ce projet, qui l’ont convaincu d’investir : « C’était une belle idée. A l’époque, le secteur de la livraison à domicile n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, le secteur commençait tout juste à se développer. Les deux porteurs, issus de ESCP Europe et diplômés d’un master dans l’entrepreneuriat, sentaient le potentiel du secteur. En dépit de leur jeune âge (autour de 25 ans), ils savaient ce qu’ils voulaient pour leur projet. L’un d’eux avait déjà monté son entreprise ».

 

Une logistique défaillante

Néanmoins, un point vient obscurcir ce tableau : « La faiblesse du projet reposait sur sa logistique. Les porteurs avaient une offre pertinente, avec des produits qualitatifs et des partenariats avec les meilleurs pâtissiers de Paris. Des commandes étaient passées chaque jour sur la plateforme. Cependant, la logistique était trop coûteuse et la plateforme internet trop "légère" pour un gestion efficace du dealflow. La réparation des bugs et l'intégration des nouvelles fonctionnalités étaient trop lentes.

Un an après la levée, les porteurs et leurs investisseurs font le constat que les fonds s’épuisent alors que le projet ne décolle pas en dépit de contacts prestigieux comme Lenôtre. Les moyens disponibles, financiers et techniques, sont insuffisants et la mise en œuvre n’est pas satisfaisante. En comparaison, à la même époque, des sociétés comme Uber Eats ou Deliveroo disposent de moyens considérables pour se développer : ils mettent rapidement en place l'organisation que l'on connait aujourd'hui avec un forte densité de livreurs avec un coût de livraison 4 ou 5 fois inférieur à ceux de Citycake.

 

Un 1er rachat

En 2015, conscients des difficultés, les porteurs entament des démarches auprès de repreneurs potentiels. A l’automne, Citycake est acquis par Resto-in, pionnier de la livraison de repas de restaurant à domicile qui affiche 15 millions d’euros de chiffre d’affaires et est implanté dans 5 grandes métropoles européennes. André souligne la pertinence de ce rapprochement pour les deux sociétés : « Le point fort de Resto-in était précisément la logistique et sa plateforme informatique. Grâce à ces deux éléments, Resto-in venait combler les manques de Citycake, tandis que Citycake leur permettait d’élargir leur gamme de produits en proposant des pâtisseries ».

Compte tenu des circonstances, les investisseurs soutiennent les porteurs dans ce rachat, seule solution pour ne pas perdre leur mise.

La présence d'un fonds à hauteur de 30% dans le capital de Resto In et l'objectif clair de ce fonds de sortir à court terme sont de nature à donner confiance aux investisseurs

Toutefois, s’ils demeurent actionnaires de la société, leur périmètre de décision et d’action se restreint complétement, au bénéfice de la Direction de Resto-in.

 

La sortie

Au sein de Resto-in, le projet Citycakese développe conformément aux attentes des porteurs et de leurs investisseurs : des commandes sont enregistrées quotidiennement, la plateforme est efficace et des collaborateurs sont recrutés. L’un des deux fondateurs, Benjamin Chemla, prend la tête de la Direction de Resto-in sur la France et la Belgique.

Dans le courant de l’année 2016, la sortie est annoncée : Géoposte, filiale du groupe Laposte, acquiert Resto-in pour un montant satisfaisant pour le fonds et les actionnaires de Resto In. Les Business Angels quittent le capital en récupérant leur mise de départ ainsi qu’une petite plus-value ; les fondateurs, qui n’avaient mis en jeu qu'un apport initial modeste, quittent l’aventure avec un gain conséquent.

 

Se donner les moyens de réussir

En conclusion, André revient sur l’importance des moyens mis à disposition au moment de développer un jeune projet, en particulier dans la foodtech : « Il aurait fallu injecter 2 millions d’euros dans le projet pour passer à la vitesse supérieure, comme l’auraient fait les anglo-saxons. Les projets qui ont réussi plus tard, comme Uber Eats ou Deliveroo, sont ceux qui disposaient de davantage de moyens financiers au départ ".

 

Ingénieur dans l’industrie agro-alimentaire, André a complété son cursus à AgroParisTech avec un EMBA à HEC et a travaillé 30 ans chez Pomona. Business Angel depuis 2009, André a d’abord intégré Trianon Angel avant de rejoindre Investessor à l’occasion d’une fusion des deux structures. André a investi dans une quinzaine de startups.