13 février 2020

La révolution de l'expérience sonore

Alain Ilhe revient sur cet investissement

« Au sein du Conseil d’Administration, les investisseurs ont le sentiment d’avoir fait tenir l’entreprise et de lui avoir permis de progresser ».

Créée en 2003, Trinnov réunit trois passionnés de musique et de son dont l’ambition est d’offrir une expérience acoustique inédite : grâce à une technologie brevetée, la restitution du son devient impeccable et permet une immersion totale, que ce soit de la musique ou du cinéma. Le projet est soumis à Investessor pour une levée de fonds au début de l’année 2012.

Une levée sans encombre

Avec 1 million d’euros de chiffre d’affaires, la valorisation de Trinnov est estimée à 3 millions d’euros au moment où la startup dépose sa candidature au sein du réseau de Business Angels Investessor. Alain Ilhe est séduit par la technologie innovante tout comme d’autres Business Angels : « Trinnov, c’est la spacialisation du son. Grâce à une application qui permet de calibrer la salle, on entend la musique de partout, quel que soit l’emplacement du haut-parleur dans la salle. C’est un beau projet technologique ».

Par ailleurs, l’équipe est soudée et passionnée. Trois fondateurs, tous ingénieurs en électronique, portent le projet Trinnov : Arnaud Laborie, le PDG diplômé d’un DESS de gestion, Rémy Bruno, Directeur R&D issu de Supélec et Sébastien Montoya, Directeur produit.

Alain Ilhe gère l’instruction du dossier qu’il accompagne ensuite jusqu’à la levée de fonds. Sans entrave, la levée de fonds d’un montant de 800 K€ est réalisée dans le courant du 1er semestre 2012. En plus de Business Angels Investessor, deux fonds investissent dans le projet : Mancey Capital Management et Calao Finance.

Une commercialisation ciblée

Si la technologie est trop coûteuse pour intéresser un marché de particuliers, elle séduit considérablement les salles de cinéma qui y voient l’opportunité d’offrir une nouvelle expérience à leurs clients, de même que les studios de télévision qui peuvent diffuser un son d’une qualité inégalée, sans fluctuation. Toutefois, en dépit des bons résultats précédemment présentés, le chiffre d’affaires se creuse.

Un Conseil d’Administration divisé

Contrairement à la majorité des startups qui ont un statut en SAS, Trinnov est une Société Anonyme, constituée par conséquent d’un Conseil d’Administration. Les trois fondateurs sont membres de ce conseil (l’un d’eux en est le Président) de même qu’Alain Ilhe et Mancey Capital Innovation, au titre de représentants des investisseurs. Calao en est censeur et ne dispose pas du droit de vote.

Face à un Président peu enclin à écouter les recommandations de ses investisseurs, ces derniers doivent souvent forcer les décisions et exiger de formaliser les échanges dans les procès-verbaux de réunion du Conseil d’Administration. Les points litigieux portent notamment sur l’export, des recrutements peu adéquats, ou encore des contrats de distribution mal conçus. A plusieurs reprises, les investisseurs interviennent pour redresser des situations et orienter des décisions qui, autrement, pourraient être problématiques pour le devenir de l’entreprise. Alain Ilhe se souvient des relations compliquées avec les fondateurs pendant les Conseils d’Administration et des enjeux pour les investisseurs, qui ont du mal à se faire entendre : « Les Conseils d’Administration ont été compliqués à gérer. Les porteurs avaient trois voix, contre seulement deux pour les investisseurs. Et en plus de la majorité, ils étaient difficiles à convaincre. Nous avons dû hausser le ton pour faire passer certaines décisions. Même si un entrepreneur doit défendre son point de vue, il doit aussi se montrer attentif aux retours que lui font ses investisseurs ».

Après de nombreux efforts, l’activité repart, atténuant le creux précédemment constaté dans le chiffre d’affaires. En 2016, Trinnov affiche un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros et un EBITDA positif d’un demi million d’euros.

Une sortie qui se fait attendre

Au début de l’année 2017, les investisseurs présents au Conseil d’Administration pressent les trois fondateurs de trouver une réponse à la clause de liquidité du Pacte d’actionnaires, dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2017. Les fondateurs, peu enclin à céder leurs parts, semblent retarder leur décision. Or les Business Angels, en plus d’être motivés par les difficultés de communication avec le management, constatent que la startup s’apprête à passer le cap de la PME et pressentent un risque pour leur investissement.

Sous la pression des Business Angels, les fondateurs finissent par faire une proposition de rachat des parts des investisseurs, par un family office. Alain Ilhe nuance cette sortie : « Nous avons fait un multiple de 2,3 qui aurait cependant pu être plus important si l’intégralité du capital avait été vendue. C’est aussi le rôle du Business Angel de provoquer la sortie et de savoir « lâcher » le projet. C’est le côté « angel » de l’activité, qui consiste à sortir du capital, même si les conditions ne sont pas optimales, pour laisser l’entrepreneur voler de ses propres ailes ».