14 avril 2020

François de Tréglodé - Business Angel

Portrait de Business Angel

Formé à l’ESCP Europe, François fonde une SSII dans l’informatique de gestion en 1989 qu’il vend en 2016. Désireux de se lancer dans une nouvelle aventure, il découvre l’activité de Business Angel qui lui permet de renouer avec l’esprit entrepreneurial. Il devient membre du réseau Investessor en 2012. Depuis, il a investi dans 25startups.

VOTRE VISION DU BUSINESS ANGEL

Qu’est-ce qu’un Business Angel d’après vous ?

Un Business Angel doit être avant tout une personne clairvoyante car l’activité présente un haut risque de perte du capital. Un investissement n’est pas un placement. Il faut également être généreux, ne pas être avare de son temps, et être bienveillant avec les porteurs, donner sans compter.

Quelles sont vos motivations et vos objectifs ?

Les startups nous permettent d’ appréhender le monde de demain.. Cette vision sur l’avenir et le fait d’y participer, même modestement, est porteuse de sens.

Contribuer à la création de nouveaux emplois, est un moteur fort. Au sein d’Investessor, j’ai le sentiment de participer à un mouvement sain, valorisant pour l’ensemble de l’éco-système, et donc, globalement satisfaisant.

L’accompagnement des entrepreneurs est une part non négligeable et passionnante de l’activité. En tant que Business Angel, nous contribuons au développement d’un projet par nos conseils, par notre réseau et nos contacts mais aussi en confrontant notre vision à celle de l’entrepreneur. Ces échanges sont très enrichissants. L’entrepreneur favorisera d’ailleurs sa réussite en mettant en place dès le début une communication régulière et à double sens avec ses actionnaires.

Quelles sont vos attentes ?

En contrepartie, j’attends que ça marche, que mes investissements aboutissent, sinon c’est frustrant. En cas d’échec, il faut en analyser les causes et continuer. Après plus de vingt investissements, je n’investis plus comme avant, j’ai gagné en maturité.

Quel est le profil d’un Business Angel ?

Au sein du réseau, nous sommes en majorité des hommes retraités, aisés et disponibles, sans aversion au risque : l’activité demande du temps et des fonds. Je regrette que les femmes soient aussi peu représentées. Elles nous manquent.

VOS EXPERIENCES EN TANT QUE BUSINESS ANGEL

Quels sont vos critères de sélection d’un projet ?

Le principal critère est l’équipe. Dans les projets que j’accompagne, je cherche une équipe complémentaire. Un produit moyen, avec une super équipe marchera mieux qu’un produit top et innovant, avec une équipe déséquilibrée ou bancale.

Il existe différentes typologies d’entrepreneurs qui mettent en péril la startup faute d’accepter d’être coachés ou entourés : le bon père de famille, proche de ses collaborateurs et qui reste « dans sa bulle de confort», ce qui est un frein à la croissance; l’entrepreneur passif, qui attend énormément de ses Business Angels, au point de ne pas agir sans leur consentement ; l’« enfumeur », qui cherche seulement à lever des fonds, sans être ni conseillé ni guidé, même s’il fonce droit dans le mur ; et enfin l’entrepreneur technique, expert dans sa technologie, mais isolé de son marché

Dans ce dernier cas de figure, l’entrepreneur doit se constituer une équipe complémentaire afin d’assurer sur les trois dimensions qui fondent l’ entreprise : technique, commerciale et financière. L’enjeu pour un Business Angel est d’être suffisamment clairvoyant pour identifier si ces trois dimensions sont présentes et fonctionnent en harmonie.

La préparation du pitch, ainsi que la capacité et l’aisance de l’entrepreneur quand il présente son projet, jouent beaucoup dans la décision de soutenir un dossier. Le pitch demande de la préparation, c’est une représentation théâtrale. Il faut savoir rassurer et convaincre son auditoire.

Enfin, il me semble primordial d’être capable de se forger sa propre opinion sur un projet, sans suivre le mouvement qui se crée naturellement parmi les Business Angels et qui pourrait amener à suivre un tel car il a déjà eu plusieurs investissements fructueux ou un autre qui se montre particulièrement enthousiasmé par le dossier. Je reviens là sur l’importance de la clairvoyance afin de savoir faire la distinction entre le discours du porteur de projet et la réalité. Les outils d’analyse mis à disposition au sein du réseau Investessor, ainsi que l’encadrement rigoureux des réunions par l’équipe WeLikeStartup, nous aident beaucoup en ce sens.

Quels éléments vont vous freiner devant un projet ?

Je ne me lancerais pas dans un projet mené par un porteur seul, sans équipe, ni dans un projet que l’entrepreneur ne mène pas à temps plein. Un entrepreneur doit être investi à 100% dans son projet. De même si je ne comprends pas le projet, je n’y vais pas : Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, ça fait partie de l’art du porteur.

Par ailleurs, les valorisations des startups sont souvent faussées par le dilemme des porteurs : lever le maximum de fonds en lachant le minimum de capital. Certaines valorisations sont clairement excessives et cela fait partie des difficultés du financement des startups. Je recommande souvent de procéder en 2 temps, surtout quand l’entreprise en est encore à ses balbutiements : une levée raisonnable suivie 18 mois plus tard par une seconde plus ambitieuse, une fois la preuve de ce qui avait été avancé lors de la première levée est apportée. Le soutien et l’éclairage du CS prend alors tout son sens.

Quelles ont été vos déceptions ?

Je me rappelle une startup dont le projet me plaisait : l’entrepreneur avait trouvé un moyen de rendre ludique l’apprentissage des mathématiques. Lors de l’instruction de son dossier, il m’avait confié ne pas être mûr pour développer son projet. En dépit d’une forte adhésion des professeurs à son projet, il n’a pas trouvé le moyen de monétiser son offre qu’il a diffusée gratuitement. L’entrepreneur très polyvalent n’avait pas le sens des réalités économiques et financières.

Racontez-nous une expérience positive.

Voodoo est indéniablement une expérience atypique. Cette entreprise s’est fortement valorisée en créant des dizaines d’emplois. Je ne connais pas du tout le monde des jeux vidéo et Alain Ilhe m’avait parlé du projet quasiment au dernier moment, juste avant de clôturer la levée. Au cours de 2 réunions de closing, j’ai apprécié le professionnalisme des porteurs, ce qui a achevé de me convaincre, et après seulement un an au capital, j’ai récupéré ma mise multipliée par 10.

VOTRE BILAN

Quel bilan faites-vous de votre expérience de Business Angel ?

Je rencontre des gens passionnants et passionnés, aussi bien du côté des porteurs de projet que des Business Angels. Ce sont les rencontres et leur diversité qui rendent cette activité si intéressante.

Pour l’instant, mon bilan financier est globalement positif, du fait notamment de plusieurs bonnes sorties, comme Voodoo, Trinnov, Weezic, ou encore Le livre scolaire, et malgré la sortie « les pieds devant » du Soulier Français. Je suis donc sorti du capital de cinq sociétés, et il m’en reste une vingtaine en portefeuille.

J’en profite pour souligner l’importance de la cohésion des BA lors des sorties : Nous sommes au service des entreprises et non l’inverse, l’esprit collectif doit primer sur un éventuel intérêt particulier.

Quelles évolutions avez-vous remarqué au sein du réseau Investessor ?

Le réseau n’a plus rien à voir avec ce qu’il était quand je suis arrivé. Par la volonté d’Alain Ilhe et Claude Boulot, et l’engagement de Julien Dubois, ainsi que de l’équipe talentueuse qu’ils ont su fédérer, les process, l’organisation de manière générale, se sont considérablement améliorés. Ils ont été les moteurs de cette transformation fantastique qui se poursuit, et qui sert véritablement la cause du financement et de l’accompagnement des startups en France

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait devenir Business Angel ?

Je ne le conseillerais pas à tout le monde car il faut avoir conscience du risque de perte du capital investi. Néanmoins, une fois la décision prise d’exercer cette activité, il convient de diversifier ses investissements, et de travailler l’étude des dossiers et l’accompagnement des startups, soyez curieux et généreux de votre temps, sachez trier le bon grain de l’ivraie.